AAA Terrains & Travaux : Violences de genre à l'encontre des groupes minorisés

du 11 Avril 2024 au 12 Septembre 2024

Appel à articles pour un dossier de Terrains & Travaux sur le thème "Violences de genre à l'encontre des groupes minorisés".

Date de clôture : 12 septembre 2024

Depuis que #MeToo a placé la question des violences sexuelles subies par les femmes au cœur du débat public, des associations et scientifiques ont cherché à élargir le débat pour mettre en lumière la diversité des violences fondées sur le genre. Ces dernières renvoient à des violences interpersonnelles ancrées dans des rapports de genre qui reproduisent des normes et des inégalités structurelles de pouvoir autant qu’elles en sont le produit. Ces actes peuvent être différenciés selon leur nature (physique, sexuelle, verbale, etc.), les espaces dans lesquels ils surviennent (travail, rue, relations intimes, etc.), ou le type de personnes qu’ils affectent (femmes, hommes, adultes, enfants, minorités sexuelles, etc.). Si, comme le soulignent les données statistiques produites par l’enquête Violences et rapport de genre (Virage, Ined, 2015), ces violences sont essentiellement commises par des hommes à l’encontre de femmes, diverses études font apparaître une forte déclaration des violences de genre chez les populations minorisées dans le monde social. C’est par exemple le cas des femmes précaires, des migrantes, de celles qui vivent avec le VIH ou avec un handicap, des femmes sans-domicile, des minorités sexuelles féminines ou des femmes trans. Mais c’est aussi le cas des enfants et de certains hommes minorisés, tels que les hommes migrants, sans-domicile fixe, homosexuels ou trans. Ces résultats nous rappellent que le genre ne façonne pas seulement les rapports femmes/hommes : il produit également des différences et des hiérarchies au sein du groupe des femmes et de celui des hommes qui favorisent la perpétration de violences, en particulier à l’encontre de celles et ceux qui occupent une position dominée au sein de chacun de ces deux groupes. En retour, ces violences consolident ces hiérarchies. Par exemple, dans les cas des masculinités, les hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre sont considérés comme moins masculins, autrement dit, ils sont
féminisés.

En outre, l’étude des violences de genre subies par les populations minorisées interroge les cadres d’analyse féministes qui se sont révélés particulièrement fructueux pour saisir les actes perpétrés par des hommes sur les femmes, hétérosexuel·les et cisgenres, et comprendre comment ils façonnent la vie des femmes. Ces cadres peinent en effet à tenir pleinement compte des effets de l’articulation du genre avec les rapports sociaux et de pouvoir (par exemple ceux de classe, de race ou d’âge). En quoi l’interaction du genre avec d’autres rapports sociaux et de pouvoir contribue-t-elle à produire des violences interpersonnelles ? En quoi l’expérience des violences est-elle façonnée par le contexte de minorisation ? S’intéresser aux déclarations de violences des populations minorisées incite alors à adopter une approche capable de penser la manière dont le genre est façonné par d’autres rapports sociaux.

Cet appel à articles a pour double objectif de documenter des objets encore peu saisis en sciences sociales (des violences de genre plus marginales ou vécues plus typiquement par des groupes minorisés) et d’explorer davantage les relations entre violence, genre et d’autres rapports sociaux et de pouvoir. Il cherche à faire un état des lieux et à confronter les travaux actuels sur la question, au sein de l’espace francophone et au-delà, en croisant les regards disciplinaires (sociologie, science politique, histoire, géographie, démographie, anthropologie, santé publique, etc.). Les propositions d’articles devront relever d’une approche empirique (terrains ou archives, données quantitatives ou qualitatives) et pourront s’inscrire dans un ou plusieurs des axes suivants.

1. Production de la violence et rapports sociaux multiples

Ce premier axe s’intéresse à la façon dont les violences subies par les populations minorisées invitent à renouveler et à complexifier l’analyse des rapports sociaux. Dans une perspective intersectionnelle, attentive à l’articulation des rapports sociaux et de pouvoir, de plus en plus de travaux s’intéressent à la production sociale des violences de genre et mettent en évidence l’importance non seulement de l’asymétrie de genre, mais aussi des inégalités économiques, statutaires, raciales et spatiales. Par exemple, le différentiel de pouvoir dans des
relations, dans le cas de dépendance (économique, médicale, etc.) ou de différences d’âge, engendre un contexte de vulnérabilité sociale qui favorise le déploiement des violences de genre. En se penchant sur différents groupes marginalisés, les articles de cet axe pourront traiter de la construction des violences de genre : quels sont les dimensions sociologiques et les contextes qui favorisent l’émergence de ces actes aussi bien que leur dénonciation? Comment les rapports sociaux de race, de classe ou d’âge, par exemple, redéfinissent les
rapports de genre et exposent les individus aux violences ? En quoi ces expériences de violences sont-elles spécifiques, voire se distinguent-elles de celles des groupes majoritaires ? Quel est enfin l’effet des positions minorisées sur le rapport aux violences de genre, à leur identification et à leur dénonciation ? Dans quelle mesure des expériences ou des sociabilités minorisées développeraient la propension à dénoncer des actes subis ?

D’autres travaux s’intéressent non pas aux situations minoritaires qui produisent les violences de genre, mais à la façon dont ces violences sont susceptibles de contribuer aux logiques de minorisation. Bien que cette hypothèse contienne le risque d’adopter une approche pathologisante et réductrice des violences de genre et, ainsi, de négliger le rôle d’autres caractéristiques de la vie des individus (précarité, racisme, etc.), elle interroge la façon dont les expériences de violences travaillent le rapport aux normes de genre. Outre l’exemple des hommes victimes de viols en prison ou en temps de guerre, les violences sexuelles subies par les femmes avant leur entrée dans la sexualité ou au début de celle-ci seraient susceptibles de façonner, au moins en partie, le reste de leur parcours sexuel et participer de la mise à distance de certaines dimensions de l’hétéronormativité, en particulier l’hétérosexualité. Par ailleurs, si les parcours migratoires sont propices aux violences, ces dernières peuvent également être identifiées comme un motif de migrations. Les articles s’inscrivant dans cet axe pourront porter tant sur les difficultés qui entourent la mise au jour de ces mécanismes, que sur la critique de cette approche qui pense que les violences de genre peuvent façonner le rapport au genre des individus et ainsi contribuer à les minorer.

2. Construction de l’action publique et mobilisations collectives

Historiquement, l’action étatique et associative s’est développée en se concentrant sur les violences masculines faites aux femmes sans bien tenir compte des populations minorisées. Certaines campagnes et mesures ont visé des violences spécifiquement subies par les femmes migrantes (mariage forcé, excision) et des associations ont pu se constituer pour
accompagner par exemple les femmes en situation de handicap ou lesbiennes, mais ces inititatives n’ont pas transformé le cadrage général des politiques publiques. Non seulement certaines catégories de populations restent largement absentes des cibles de l’action publique, mais leurs conditions matérielles d’existence ne sont pas pleinement prises en compte. Au début des années 1990, la juriste Kimberlé Crenshaw prend l’exemple de la lutte contre le viol pour souligner l’exclusion sociale et raciale qu’engendrent les actions des militantes féministes majoritaires et des pouvoirs publics qui se concentrent sur la pénalisation. Celles-ci occultent ce que représentent les forces de l’ordre et le monde judiciaire pour des femmes
noires dans un contexte de racisme institutionnel, ainsi que les besoins des femmes noires en matière de logement et d’accès aux droits. Cette critique de l’action publique peut se transposer à d’autres catégories sociales, en particulier les femmes des classes populaires, dont les conditions d’autonomisation peuvent dépendre des politiques sociales.

L’occultation des populations minorisées s’accompagne toutefois d’une mise en lumière de certaines affaires (comme celle des « tournantes » au début des années 2000) ou de certaines catégories de violences (l’excision, par exemple) qui tendent à racialiser ou à territorialiser le problème des violences fondées sur le genre. Dans ce cas, des violences quantitativement minoritaires tendent à devenir une grille de lecture de l’ensemble des violences dans l’espace public, et occultent celles, majoritaires, qui sont commises dans la sphère privée. Cet axe appelle des contributions qui s’attachent à analyser cette tension structurante dans la définition des contours des problèmes publics et la construction de l’action publique.

3. Conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées

Un dernier axe vise à interroger les conditions d’objectivation des violences de genre subies par les populations minorisées dans les enquêtes sociologiques, historiques, quantitatives ou qualitatives. La production de données statistiques détaillées pour décrire et comprendre la forte déclaration de violences des populations minorisées est limitée, du fait de leurs effectifs relativement faibles dans les échantillons en population générale. Les collectes alternatives – échantillons de convenance, méthodes mixtes avec des entretiens ou des observations qualitatives, etc. – peuvent alors être nécessaires et utiles pour étudier les parcours de ces populations et mieux connaître leurs expériences. Les enquêtes fondées sur des entretiens et des terrains ethnographiques soulèvent des questions méthodologiques semblables s’agissant de la constitution des matériaux et des conditions d’émergence d’un discours sur les violences : comment recueillir, et parfois qualifier et requalifier, les expériences des individus pour faire surgir la question des violences au cours des entretiens et de leurs analyses ? Comment se rendre dans des espaces traversés par les violences mais difficilement accessibles, comme les zones de conflits ou certaines frontières ? Comment saisir la façon dont l’organisation formelle et informelle des espaces de grande vulnérabilité participe à la production de violences de genre ? De la même manière, la production de 4 savoirs historiens sur les dimensions prises par les violences à l’encontre de groupes minorisés et ce qu’en disent celles et ceux qui les vivent au cours du temps requiert des méthodologies propres, qui pourront être présentées dans cet axe. Les contributions pourront également traiter des nouveaux défis posés par le numérique pour la constitution de son propre matériau, dans le contexte d’un espace numérique où les voix minorisées font l’objet d’attaques organisées virulentes.

 

Les articles, de 50 000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie compris), doivent
être accompagnés de 5 mots-clés et d’un résumé de 150 mots (en français et en anglais).
Ils devront parvenir aux coordinatrices du numéro avant le 12 septembre 2024 aux
adresses suivantes :

Pauline Delage : pauline.delage@cnrs.fr
Émeline Fourment : emeline.fourment@gmail.com
Margot Giacinti : margot.giacinti@ens-lyon.fr
Tania Lejbowicz : tania.lejbowicz@univ-paris1.fr
Anna Perraudin : anna.perraudin@univ-tours.fr

Les consignes relatives à la mise en forme des manuscrits sont consultables sur le site
de la revue : http://tt.hypotheses.org/consignes-aux-contributeurs/mise-en-forme
Des intentions de soumettre un article peuvent être envoyées aux coordinatrices pour le 15
avril 2024 ; ces dernières donneront alors, si nécessaire, aux contributrices·eurs potentiel·les
un avis indicatif sur l’intérêt de leur proposition, sur son adéquation à l’appel et/ou sur une
orientation que l’article pourrait privilégier. L’avis du comité de rédaction ne sera transmis
qu’après l’examen des versions complètes du texte.

Programme : 2ème JE "Violences faites aux populations minoritaires et minorisées"

le 01 Mai 2023

Nous avons le plaisir de partager le programme de notre deuxième Journée d'Étude sur le thème "Violences faites aux populations minoritaires et minorisées". Elle portera plus précisément sur les diversités des contextes et des parcours à prendre en compte dans l'analyse de ces violences. La Journée d'Étude se tiendra le vendredi 16 juin de 9h30 à 17h30 à Aubervilliers, dans la salle 100 du centre des colloques du Campus Condorcet (Place du Front populaire, métro 12 « Front Populaire »).

Programme :

9h30– 12h00 : Le rôle de l'âge dans la production des violences de genre

Modération : Stéphanie Condon

Lucie Wicky (EHESS-Centre Maurice Halbwachs, Ined) : Les hommes ayant vécu des violences sexuelles dans l’enfance : une population minorisée sous certaines conditions

Corentin Legras (EHESS, Centre Norbert Elias) : Incestes commis par des mineurs : penser la minorisation des cadettes dans les violences de genre intrafamiliales

Trung Nguyên-Quang (CRESPPA-CSU, Ined) : Être jeune et LGBTI face à l'État. Les spécificités du rapport social d'âge dans les récits de violences cishétérosexistes

Discutante :  Claire Scodellaro (Paris 1-IDUP)

 

Repas collectif


13h30 - 15h : Co-construction des violences conjugales par les rapports de classe et de territoire

Modération : Pauline Delage
 

Béatrice Bouillon (RISSO) : Des rapports aux violences de genre socialement différenciés : perceptions et négociations des violences conjugales par des mères seules de classes populaires

Maëva Durand (CESAER) et Perrine Agnoux (CESAER) : « Dans les campagnes, on ne parle pas de ça ». Faire face aux violences conjugales en milieu rural

Discutante : Solène Jouanneau (SAGE)

 

Pause


15h30 - 17h30 : Normes médicales et production des violences de genre

Modération : Emeline Fourment

Margaux Nève (EHESS-LAP) : Penser les violences gynécologiques à travers les récits de parcours de soins de lesbiennes

Célia Bouchet (OSC-LIEPP) et Mathéa Boudinet (OSC-LIEPP) : Les violences de genre envers les femmes handicapées : des mécanismes classiques et des formats atypiques

Pauline Mullner (Ined, Cerlis) et Magali Mazuy (Ined, Centre Max Weber) : Violences conjugales et neuro-atypie : des parcours féminins surexposés aux violences de genre

Discutante : Catherine Cavalin (IRISSO)

 

Programme : Première JE "Violences faites aux populations minoritaires et minorisées"

le 05 Octobre 2022

Nous avons le plaisir de partager le programme de notre première Journée d'Etude sur le thème "Violences faites aux populations minoritaires et minorisées". Elle portera plus précisément sur les défis méthodologiques et politiques posés par l'analyse de ces violences. La Journée d'Etude se tiendra le mardi 6 décembre de 9h30 à 18h à Paris dans la salle de conférence du site Pouchet du CNRS  (59-61 rue Pouchet, 75017).

Pour assister à cette journée d'étude, qui se tiendra en présentiel, vous pouvez vous inscrire en remplissant le formulaire en cliquant ici.

Programme :

 

9H30-13H00 : Renouveler l'analyse des rapports aux normes de genre

Panel 1 : Etudier les violences faites aux minoritaires/minorisés: quels défis et enjeux méthodologiques ?


Armelle Andro (CRIDUP - Paris 1) et Marie Lesclingand (URMIS - Université Côte d’Azur) : Quantifier l'excision en contexte migratoire : pourquoi, comment et quels enjeux ?
Néo Gaudy (Sciences Po. Paris) : Ethnographier les rapports de pouvoir dans la sexualité dans une association de santé communautaire trans : quels enjeux méthodologiques, éthiques et épistémologiques ?
Saba Le Renard (CNRS - CMH) : Analyser les expériences et récits post-violences sexuelles de personnes minorisées dans les rapports de genre et de sexualité

Discutant : Milan Bonté (Université Paris 1 / Université Grenoble Alpes)


Panel 2 : Le continuum des violences sexuelles mis au travail


Sara Cesaro (LEGS - Paris 8) : Penser le continuum des violences sexuelles dans un espace associatif de soutien aux demandeur·se·s d’asile LGBTI
Giorgia Magni (G-RIRE - Université de Genève) : La parole aux étudiant-e-x-s : que nous disent les étudiant-e-x-s issu-e-x-s de minorités sexuelles et de genre sur les enjeux des violences de genre vécues pendant leurs études universitaires
Miléna Younès-Linhart (LEGS - Paris 8) : Violences envers les femmes juives : une analyse intersectionnelle des violences sexistes et sexuelles antisémites

Discutante : Marylène Lieber (Université de Genève)

14h30 -16h00 : Les violences de genre faites aux PMM saisies par l’action publique et les mobilisations associatives


Panel 3 : Des catégories d’action publique et leur influence sur l’appréhension des violences de genre faites au PMM


Samantha Joeck (EHESS - LAS /CERMA ) : Campagnes contre le harcèlement de rue et conceptions hégémoniques de l’espace public : le cas de Medellín
Nabila Hamdaoui (LIRTES – UPEC) : Effets de la prise en charge sanitaire des violences de genre : l’expérience des femmes migrantes
Manon Marguerit (Université Gustave Eiffel - RATP) : Se visibiliser en tant que lesbienne dans les transports franciliens : une représentation de soi à l’épreuve des violences de genre

Discutant : Mathieu Trachman (Ined / Iris)

 

AAC : Journée d'Etude : Violences de genre subies par les populations minoritaires et minorisées. Études empiriques, perspectives théoriques

du 14 Juin 2022 au 07 Décembre 2022

Résumé

Alors que le moment #MeToo a placé la question des violences fondées sur le genre au cœur du débat public, un important travail des mondes associatif et scientifique a contribué à en souligner la diversité. Pourtant la recherche empirique sur les violences de genre dans les groupes minoritaires et minorisées est encore peu développée en France. Prévue pour le 6 décembre 2022, cette journée d’étude vise donc à faire un état des lieux et à confronter les travaux actuels sur la question, au sein de l’espace francophone et au-delà.

Argumentaire

Alors que le moment #MeToo (Achin, Albenga, Andro et al., 2019 ; Pavard, Rochefort,Zancarini-Fournel, 2020) a placé la question des violences fondées sur le genre au cœur du débat public, un important travail des mondes associatif et scientifique a contribué à en souligner la diversité. Ces violences peuvent en effet être différenciées selon les espaces dans lesquels elles surviennent (travail, rue, relations intimes, etc.) ou leur nature (physiques, sexuelles, verbales, etc.), mais aussi selon le type de personnes affectées (adulte, enfant, etc.).Si les données quantitatives montrent des prévalences de violence élevées chez les femmes, elles soulignent aussi la forte déclaration qu’en font les populations minoritaires et minorisées?-minoritaires du point de vue numérique, minorisées de par la position qu'elles occupent dans l'espace social. C'est par exemple le cas des femmes précaires (Virage, 2020 ; Durand, 2021, chap. 3), migrantes (Andro et al.,2019 ; Gonçalves et Matos, 2016 ; Pannetier et al., 2020 ;Condon, Ravi, Schröttle, 2021), de celles qui vivent avec le VIH (Bensley, Eenwyk et Simmons, 2000 ; Cohen et al., 2000) ou avec un handicap (Bouvier et Niel, 2010 ; Milberger et al., 2002 ; MIPROF 2019 ; Sitbon, 2015), de celles sans-domicile (Loison et Perrier, 2019 ; Wenzel, Koegel et Gelberg, 2000), des minorités sexuelles et de genre (Lhomond et Saurel-Cubizolles, 2013 ; Rothman, Exner et Baughman, 2011 ; Trachman et Lejbowicz, 2020), etc. De la même façon, les hommes en situations minoritaires et minorisées (tels que les hommes migrants, sans domicile, homosexuels ou trans) sont plus susceptibles de rapporter des violences que les autres (Dias, Fraga, Barros, 2013 ; Freedner, Freed, Yang et al., 2002 ; Sorenson and Shen, 1996 ; Tjaden, Thoennes and Allison, 1999 ; Trachman et Lejbowicz, 2020).

Alors que la recherche empirique sur les violences de genre dans les groupes minoritaireset minorisées est encore peu développée en France, cette journée d'étude vise à faire un état des lieux et à confronter les travaux actuels sur la question, au sein de l'espace francophone et au-delà. Une double difficulté surgit alors : épistémologique d'une part, politique d'autre part.

Sur un plan épistémologique, les violences de genre subies par les populations minoritaires etminorisées interrogent le cadre analytique féministe dont l'objectif est d'appréhender lesrapports sociaux de sexe. Envisageant les violences au sein d'un continuum (Kelly, 1988), ce cadre a permis de les penser de manière systémique, dans leur diversité (formes et sphères desurvenue), et ainsi, de saisir comment la violence traverse et façonne la vie des femmes. Toutefois, ce cadre analytique repose essentiellement sur l'étude des violences commises par des hommes sur des femmes, hétérosexuels et cisgenres. S'intéresser aux déclarations des populations minoritaires et minorisées nécessite donc de transformer et de renouveler les outils épistémologiques disponibles pour l'analyse des violences fondées sur le genre.

Sur un plan politique, interroger l'analyse féministe sans la renier revient à adopter une posture d'équilibriste. D'une part, la multiplication des catégories de violence est l'objet de revendications militantes qui œuvrent à la publicisation et l'inclusion des groupes minorisés et qui incitent ainsi le monde de la recherche à s'en emparer scientifiquement. D'autre part, la posture féministe est au cœur de débats qui mettent en cause ou visent à affirmer la force des rapports de genre dans la production de la violence ainsi que le poids de la violence dans le façonnement des rapports et de la socialisation de genre (Jouvet-Legrand, 2018). Dans ce contexte, nous plaidons pour une approche dépassionnée et scientifique des violences fondéessur le genre visant à affiner et à approfondir les savoirs sur les liens entre genre et violence.

L'objectif de cette journée est de rassembler tant des chercheur.euses spécialistes des violences fondées sur le genre que des chercheur.euses qui ont vu émerger ces questions dans leurs enquêtes. Les propositions de communication devront relever d'une approche empirique (terrains ou archives, données quantitatives ou qualitatives) et pourront s'inscrire dans un ouplusieurs des axes suivants.

Axe 1 : Réflexions et innovations méthodologiques

Ce premier axe vise à interroger les conditions d'objectivation des violences de genre subies parles populations minoritaires et minorisées dans les enquêtes quantitatives, qualitatives et historiques. La production de données statistiques détaillées pour décrire et comprendre la forte déclaration de violences des populations minoritaires et minorisées est limitée. En effet, les effectifs de ces groupes sont relativement faibles dans les échantillons en population générale (Hamel,Marsicano, Monicolle, 2020 ; Meyer, Wilson, 2009 ; Schiltz, 2005). Ces groupes peuvent être qualifiés de "difficiles à joindre" (Marpsat, Razafindratsima, 2012) : ils présentent des caractéristiques qui les rendent difficilement accessibles par les méthodes d'enquêtes usuelles tandis qu'il n'existe pas de bases de sondage qui permettraient d'améliorer leur représentativitédans les échantillons en population générale. Dans ce contexte, les collectes alternatives -échantillons de convenance, méthodes mixtes avec des entretiens ou des observations qualitatives, etc. - sont des approches utiles et nécessaires pour étudier les parcours de cespopulations et mieux connaître certaines de leurs expériences, comme celles de violences (Jauffret et al., 2009 ; Sitbon, 2015 ; Trachman et Lejbowicz, 2020 ; Velter et al., 2015). Ainsi, la quantification des violences de genre subies par des populations minoritaires et minorisées invite à développer une réflexion critique sur la centralité des échantillons représentatifs dansla production de savoirs quantitatifs (Beck, 2013). Les enquêtes fondées sur des entretiens soulèvent des questions méthodologiques semblables s'agissant de la constitution de l'échantillon et des conditions d'émergence d'un discours sur cesviolences : comment contacter des personnes minoritaires et minorisées ayant subi ce type d’actes ? Comment recueillir, et parfois qualifier et requalifier, leurs expériences pour fairesurgir la question des violences au cours des entretiens et de leurs analyses ?

De la même manière, la production de savoirs historiques sur les dimensions prises par lesviolences minoritaires et minorisées et ce qu'en disent celles et ceux qui les vivent au cours du temps requiert des méthodologies propres, qui pourront être présentées dans cet axe. Puisque la production, le tri ou le classement d'archives relèvent de logiques socio-historiques diverses (Spire 2003 ; Zalc et Mariot 2007 ; Israël, 2012 ; GLAD!, 2021), s'en saisir pour enquêter les violences subies par les populations minoritaires et minorisées relève souvent d'un défi méthodologique. En effet, en l'absence d'identification et de catégorisation de ces violences,le/la chercheuse doit bien souvent procéder à une sociologie des archives avant même de pouvoir enquêter. En suivant l'invitation faite par Liora Israël, laquelle propose d' "inventer ses archives" (Israël, 2012), les contributions pourront s'intéresser aux questionnements, aux difficultés et aux résultats méthodologiques de l'étude de ces violences dans les archives, que celles-ci soient institutionnelles (judiciaires, civiles, etc.) ou privées (militantes, associatives,etc.). Elles pourront également traiter des nouveaux défis posés par le numérique pour la constitution de son propre matériau, dans le contexte d'un espace numérique où les voix minoritaires et minorisées font l'objet d'attaques virulentes organisées (Ging, Siapera, 2018, 2019). Les réflexions proposées par cet axe pourront être l'occasion de présenter des matériaux originaux, qui articulent par exemple des méthodes quantitatives et qualitatives.

Axe 2 : Mobilisations étatiques et associatives

Historiquement, l'action étatique et associative s'est développée en France en se concentrant sur les violences masculines faites aux femmes. Hormis certaines campagnes et mesures visant les femmes migrantes, axées autour de la double violence qu'elles subissent, ou centrées sur certaines catégories de violences comme le mariage forcé ou l'excision, les populations minoritaires ont été largement marginalisées dans l'action publique. Des associations ont pu se constituer pour accompagner par exemple les femmes en situation de handicap ("Femmes pour le dire, femmes pour agir") ou lesbiennes (Watremez, 2005) ("Air libre"), mais ces initiatives n'ont pas transformé le cadrage général des politiques publiques. Non seulement certaines catégories de populations restent largement absentes de l'action publique, mais leurs conditions matérielles d'existence ne sont pas non plus prises en compte. Dans son article pionnier sur l’intersectionnalité, K. Crenshaw (2005) prend l’exemple de la lutte contre le viol pour souligner l’exclusion socio-raciale qu’engendrent les actions des militantes féministe smajoritaires et des pouvoirs publics qui se concentrent sur la pénalisation. Celles-ci occultentce que représentent les forces de l'ordre et le monde judiciaire pour des femmes noires dans un contexte où ces institutions contribuent à contrôler et réprimer les hommes noirs. Ainsi les politiques publiques contre les violences sexuelles ne répondent pas aux besoins des femmesn oires en matière de logement et d'accès aux droits. Cette critique de l'action publique peut se transposer à d'autres catégories sociales, en particulier les femmes des classes populaires, dont les conditions d'autonomisation dépendent parfois des politiques sociales (Durand, 2021). L'occultation des populations minoritaires s'accompagne toutefois d'une mise en lumière de certaines affaires, comme celle des tournantes (Cosquer, 2016 ; Hamel, 2003), ou de certaines catégories de violences qui tendent à racialiser (Hamel, 2005 ; Shepard, 2017) ou à territorialiser (Hancock, 2014) le problème des violences fondées sur le genre. Dans ce cas, des violences, minoritaires quantitativement, tendent à devenir une grille de lecture des violences dans l'espace public. C'est de cette tension structurante dans la construction de l'action publique et la définition des contours des problèmes publics que traite cet axe. Les propositions de communication pourront étudier l'élaboration d'une action publique, nationale et internationale, qui ciblent des populations jusque-là minorisées et des violences fondées sur les genres minoritaires. Par quels canaux, institutionnels et associatifs, de tels dispositifs ont-ils été élaborés et mis en œuvre ? Font-ils l'objet d'appropriations et de résistances spécifiques ? Quelles représentations etdéfinitions des violences diffusent-ils ? Parallèlement, les contributions pourront s'intéresser aux moyens d'action choisis par les populations minoritaires et minorisées contre les violences de genre. On peut penser à l 'ensemble du travail effectué en matière de prévention et d'éducation sexuelle par des collectifs féministes et LGBTIQ+, mais aussi aux alternatives trouvées au système judiciaire (Ricordeau, 2019), dans un contexte où celui-ci est considéré comme la pierre angulaire de l'action étatique. Par exemple, des militantes féministes et antiracistes développent des pratiques alternatives au système pénal, qui veulent ne pas reproduire les rapports sociaux ni vis-à-vis ni des victimes, ni des auteurs (Kim, 2018). De manière générale, si la procédure pénale est souvent considérée comme la seule à même de pouvoir dire la "vérité" sur les violences de genre, celles-ci sont traitées à d'autres échelles, dans les commissions disciplinaires des universités, au sein des entreprises (avec le soutien, ou non, des syndicats) ou dans d'autre groupes sociaux (l'Église par exemple). Quelle place est alors accordée aux violences subies par les populations minoritaires et minorisées ? Au-delà de la contestation du droit pénal, cet axe interrogera les formes d'appropriation de l'action publique et les modalités d'action spécifiques développées par les groupes minoritaires et minorisés pour répondre à l'expérience minoritaire.

Axe 3 : Rapports sociaux, normes de genre et production des violences de genre

Un dernier axe s'intéresse à la façon dont les violences subies par les populations minoritaires et minorisées invitent à renouveler et à complexifier l'analyse des rapports aux normes de genre. Dans une perspective intersectionnelle (Crenshaw, 2005) ou soulignant la consubstantialité et la coextensivité des rapports sociaux (Kergoat, 2011), de plus en plus de travaux s’intéressent à la production sociale des violences de genre et mettent en évidence l'importance non seulement de l'asymétrie de genre, mais aussi des ressources économiques, statutaires et spatiales (Hirsch, Kahn 2020). Ces asymétries produisent des contextes favorables à l'exposition des personnes aux violences de genre. On sait que les différences d'âge ou la dépendance économique vis-à-vis d'un·e partenaire participe de la production des violences conjugales. De même la situation de dépendance des usagères et usagers de drogues, ou, pour d'autres raisons, des personnes vivant avec un handicap, les conditions d’exercice des travailleuses du sexe ou encore les démarches administratives et médicales auxquelles lesfemmes trans sont confrontées, engendrent un contexte de vulnérabilité sociale qui favorise ledéploiement des violences de genre. Les travaux qui s'inscriront dans cet axe pourront s’intéresser à la construction des violences de genre en situation minoritaire et minorisés : quels éléments favorisent dans ces conditions l’émergence d’événement violents ? Quelles spécificités présentent ces expériences de violences ? A l’inverse, l’expérience des violences de genre est parfois envisagée comme un facteur conduisant à s'éloigner des parcours majoritaires. Par exemple, les fortes prévalences de violences sexuelles dans l'enfance des usagères de drogues laissent penser que leurs conduites à risque peuvent en partie résulter de traumatismes passés (Bensley et al., 2000). Ou encore, le taux élevé de célibat des femmes qui ont subi il y a peu des violences sexuelles peut être le signe d'une mise à distance de la conjugalité (Maillochon et Selz, 2010). Si ces hypothèses contiennent le risque d’adopter une approche pathologisante et réductrice des violences de genre et, ainsi, de négliger le rôle d’autres caractéristiques de la vie des individus (précarité, racisme, etc.), elles interrogent la façon dont les expériences de violences travaillent le rapport aux normes de genre. Les communications de cet axe pourront s’intéresser tant aux difficultés qui entourent la mise au jour de ces mécanismes, qu’à la critique de cette approche des violences de genre. Enfin, une dernière hypothèse interroge l'effet des positions minoritaires et minorisées sur le rapport aux violences de genre, à leur identification et leur dénonciation. Cette proposition a surtout été formulée par les travaux sur les violences subies par les minorités sexuelles féminines (Bajos, Bozon et Beltzer, 2008 ; Lhomond et Saurel-Cubizolles, 2013). Les sociabilités qu’aurait une partie des femmes homo- et bisexuelles développeraient leur propension à déclarer les violences de genre : fréquentant des entre-soi féminins, potentiellement militants, elles auraient « une sensibilité et une révolte plus affirmée contre ces violences » (Bajos et Bozon 2008, p. 389). Les propositions qui s’inscrivent dans cet axe pourront s’intéresser plus en détail à ce type d’analyse jusqu'ici moins approfondi.

Modalités de soumission

Les intitulés et les résumés des propositions de communication (en français) seront envoyés dans un document anonyme (format .doc ou .odt), accompagnés d'un second document dans lequel seront précisées les coordonnées et une courte biographie de l'auteur·e. Le document anonymisé doit comporter

  1. un résumé de 3000 signes maximum
  2. 3 à 5 mots-clefs
  3. l'indication de l'axe dans lequel s'inscrit la proposition.

Les propositions sont à envoyer à reseauvisage1@gmail.com au plus tard le 15 juillet.

Calendrier

  • Réception des propositions : 15 juillet 2022
  • Réponse aux participant·e·s : 15 septembre 2022
  • Date de la journée d’étude : 6 décembre 2022

En fonction du nombre de propositions reçues et sélectionnées, une seconde journée, au printemps 2023, pourra être envisagée.

Comité d’organisation

Coordinatrices du réseau VisaGe

  • Pauline Delage, chargée de recherche au CNRS en sociologie (CRESPPA)
  • Emeline Fourment, politiste et post-doctorante à l’Université de Genève (CEE et Centre Marc Bloch)
  • Margot Giacinti, doctorante en science politique à l’ENS de Lyon (Laboratoire Triangle)
  • Tania Lejbowicz, doctorante en socio-démographie à l’Ined et à l’Université Paris-Nanterre (CRESPPA)

Comité scientifique

  • Milan Bonté, doctorant en géographie à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, UMR Géographie-cités et ATER à l’Université Paris-Nanterre, membre attaché au LADYSS-
  • Catherine Cavalin, chargée de recherche au CNRS en sociologie (IRISSO, Paris-Dauphine, PSL)
  • Stéphanie Condon, chargée de recherche en socio-démographie à l’Ined
  • Pauline Delage, chargée de recherche au CNRS en sociologie (CRESPPA)- Maeva Durand, docteure en sociologie et ATER à l’IRISSO, Paris Dauphine, PSL
  • Emeline Fourment, politiste et post-doctorante à l’Université de Genève (CEEet Centre Marc Bloch)
  • Margot Giacinti, doctorante en science politique à l’ENS de Lyon (Laboratoire Triangle)
  • Solenne Jouanneau, maîtresse de conférences en sociologie à Sciences Po Strasbourg /SAGE-
  • Wadia Khursheed, professeure associée en sociologie à l’Université de Warwick
  • Tania Lejbowicz, doctorante en socio-démographie à l’Ined et à l’Université Paris-Nanterre (CRESPPA)
  • Marylène Lieber, professeure en sociologie à l’Université de Lausanne
  • Cristina Oddone, Laboratoire Interdisciplinaire en Études Culturelles (LInCs), Université de Strasbourg et Laboratorio di Sociologia Visuale, Università di Genova
  • Océane Perona, maîtresse de conférences en sociologie à Aix-Marseille Université /Mesopolhis
  • Claire Scodellaro, maîtresse de conférences en socio-démographie à l’Institut dedémographie de l’Université Paris 1
  • Mathieu Trachman, chargé de recherche en socio-démographie à l’Ined, chercheur associé à l’Iris/EHESS

Colloque : Les violences sexistes après #MeToo

du 29 mars 2021 au 01 Avril 2021

Tenue en ligne du colloque « Les violences sexistes après #MeToo ».
Organisé autour de sept demi-journées thématiques, le colloque aura lieu en ligne du 29 mars au 1er avril 2021.

Toutes les personnes souhaitant assister aux échanges sont les bienvenues, l’inscription est obligatoire et gratuite.
Inscription et informations complémentaires ici : https://metoo.sciencesconf.org/resource/page/id/3.

Organisées par le Labo Junior « VisaGe. Violences fondées sur le genre. Données, santé, jeux d’échelles » (Cité du Genre, USPC) et le Carism (Centre d'Analyse et de Recherche Interdisciplinaires sur les Médias), ces journées d’études répondent à un triple objectif :

• Décrypter #MeToo dans toutes ses dimensions
• Inscrire le phénomène dans une histoire de la politisation des violences sexistes
• Contribuer à la réflexion épistémologique sur l’analyse des violences sexistes

Programme indicatif :
- Lundi 29 mars à 10h00 - INTRODUCTION et CONFÉRENCE « #MeToo, Selfies and Memes: Exploring digitized narratives of sexual violence »
- Lundi 29 mars à 15h00 - SITUER L’ÉVÉNEMENT
- Mardi 30 mars à 15h00 - CONDITIONS D’ÉNONCIATION ET REGISTRES DE DISCOURS
- Mercredi 31 à 10h00 - #METOO ET LES MOUVEMENTS SOCIAUX
- Mercredi 31 à 15h00 - #METOO ET LE JOURNALISME
- Jeudi 1er avril à 10h00 - QUELLES VIOLENCES ?
- Jeudi 1er avril à 15h00 - #METOO ET LES POLITIQUES PUBLIQUES



Journées d’étude « Les violences sexistes après #MeToo »
29 mars au 1er avril 2021
En ligne, inscription obligatoire : https://metoo.sciencesconf.org/resource/page/id/3

Lien de l’événement scientifique (programme et inscription)
https://metoo.sciencesconf.org/resource/page/id/3

Lien Facebook de l’événement
https://www.facebook.com/events/1840755142740691
Informations complémentaires
https://metoo.sciencesconf.org

Laboratoires partenaires
Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris (CRESPPA)
Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO)
Laboratoire Interdisciplinaire d'Évaluation des Politiques Publiques de Sciences Po (LIEPP)
Unité de recherche Migrations et Société (URMIS)

Coordinatrices / coordinateur de l’événement scientifique
Catherine Cavalin (CNRS-IRISSO),
Pauline Delage (CNRS-CRESPPA),
Jaércio da Silva (CARISM-Paris 2),
Irène Despontin Lefèvre (CARISM-Paris 2),
Delphine Lacombe (CNRS-URMIS),
Cécile Méadel (CARISM-Paris 2),
Bibia Pavard (CARISM-Paris 2)

Contact
colloquemetoo@gmail.com

REPORTÉ : Les violences sexistes après #MeToo : AMPHI BUFFON 16 et 17/12/2019 15 rue Hélène Brion 75013 Paris

du 16 Décembre 2019 au 17 Décembre 2019

http://labovisage.org/fichiers/document/17/fichier/programme-MeToo.pdf

Depuis octobre 2017, la force de l'événément #MeToo ne s'est pas démentie. Ces journées d’étude des 16 et 17 décembre 2019, organisées à l’initiative d’une nouvelle génération de chercheuses francophones sur les violences de genre, poursuivent un triple objectif : décrypter, à l’appui des savoirs et des méthodes des sciences humaines et sociales, le phénomène #MeToo dans toutes ses dimensions ; inscrire #MeToo dans une histoire de la politisation des violences sexistes contre les femmes ; contribuer à la réflexion épistémologique sur l’analyse des violences sexistes.

Chiara Calzolaio (IRIS-EHESS), Sabrina Melenotte (IIAC, FMSH), Tania Romero Barrios (Paris 8) : Violences de genre et systèmes de violences

le 07 Juin 2019

7 juin 2019, Salle 2, 13 h-16 h

EHESS, 105 bd Raspail, 75006 Paris

Appel à communications "Les violences sexistes après #MeToo"

du 18 Avril 2019 au 31 Décembre 2019

En octobre 2017, le New York Times et le New Yorker publient des enquêtes sur les accusations pour harcèlement sexuel, agressions sexuelles et viols, dont fait l’objet Harvey Weinstein, producteur de cinéma états-unien renommé et influent. Au fil des semaines, près de cent femmes révèlent avoir subi des violences sexuelles, perpétrées par le magnat de l’industrie hollywoodienne. À la suite de ces révélations en chaîne, l’actrice Alyssa Milano réemploie le hashtag #MeToo, lancé dix ans plus tôt par la féministe new-yorkaise Tarana Burke. S’ensuit un phénomène mondial, lors duquel #MeToo (#MoiAussi, ou encore #BalanceTonPorc dans sa déclinaison française), est repris individuellement par des femmes internautes sur une diversité de supports virtuels. Les réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook, mais aussi des sites Internet dédiés, deviennent un espace d’écriture et de parole pour les femmes, au sujet des violences sexuelles masculines et sexistes dont elles ont été victimes et qu’elles continuent de subir.
Depuis lors, la force de l’événement ne s’est pas démentie. Ce dernier est à la fois le lieu d’une reformulation et d’une intensification de luttes féministes préalablement en cours contre les violences sexistes. Par ses supports techniques, et son « effet viral », il apparaît comme une amplification géographique, transgénérationnelle voire transculturelle de la disqualification morale de ces violences. Deux ans après l’éclatement de l’affaire et ses échos à l’échelle mondiale, nombre d’observatrices et d’observateurs vont jusqu’à estimer que #MeToo constitue un événement-rupture pour l’histoire des femmes. D’autres resituent cette prise de parole dans l’histoire longue du féminisme et dans les combats contre les violences sexistes.
Les journées d’étude, qui se tiendront à la fin de l’année 2019, sont organisées à l’initiative d’une nouvelle génération de chercheuses françaises sur les violences de genre constituées
en « labo junior – Cité du genre », de l’Université Sorbonne Paris Cité. Ces journées poursuivent un triple objectif.

* Il s’agira d’abord de décrypter, à l’appui des savoirs et des méthodes des sciences humaines et sociales, le phénomène #MeToo dans toutes ses dimensions. Plusieurs axes, non exclusifs les uns des autres, seront déclinés.
1/ Le premier a trait à l’analyse de la matérialité du phénomène, qu’il importe de circonscrire dans les espaces-temps de sa production comme dans ceux des enquêtes. Quelle est l’épaisseur sociale de #MeToo en termes de motifs des dénonciations, de leur nombre, de leurs auteures et de leurs destinataires ? Quels en ont été les supports virtuels et les relais médiatiques ? Qu’est-ce que « l’effet viral » en tant que tel et qu’aurait-il de spécifique par rapport à celui que peuvent connaître d’autres mouvements sociaux, portant sur d’autres causes ? Comment l’événement a-t-il débordé ses foyers initiaux de production ? Vers quels espaces (syndicaux, partisans, universitaires, journalistiques, ...) et pour quelles affaires mobilisant l’opinion et la justice ? Avec quels leviers et quels effets ?
2/ Le second correspond à l’étude des régimes de discours sur les violences sexistes. Si la judiciarisation et la description psychologique des effets des violences dominent les débats, sont-ils les seuls discours et analyses légitimes, notamment dans l’espace médiatique ? Qu’est-ce que le phénomène #MeToo a révélé et provoqué en termes de façonnement moral de la dénonciation publique et privée sur les violences sexistes ? Pour quelles controverses, pour quelles productions et interprétations écrites et orales, qualitatives et quantitatives ? L’usage des triggerwarnings (« TW ») dans les pratiques militantes féministes peut ici faire l’objet d’une attention spécifique : avec #MeToo mais aussi dès avant, comment les triggerwarnings permettent-ils de comprendre ce que les mouvements féministes définissent comme « violent » ?

* Deuxième objectif, il s’agira d’inscrire #MeToo dans une histoire de la politisation des violences sexistes contre les femmes : en quoi cet événement reflète-t-il les transformations des féminismes et du traitement social et politique des violences sexistes ?
1/ Un premier axe porte sur les rapports entre les dimensions individuelles et collectives du phénomène #MeToo.
Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux ont-ils permis de fédérer les expériences isolées de violence ? Ces usages des réseaux sociaux ont-ils permis d’articuler de nouvelles formes de militantisme ou de renforcer des démarches et des pratiques existantes ?
La parole individuelle démultipliée sous la forme d’une unique expression traduit-elle tout à la fois la singularité des vécus de violence, tout en signant l’implication personnelle dans un sort commun ? Plus généralement, comment interpréter la place de cet événement et de ce phénomène dans l’histoire longue du féminisme ?
2/ Une deuxième approche découle du questionnement sur les tensions entre singularité et sort commun, entre occultation et mise en lumière. L’hypervisibilisation des violences sexuelles au travail a-t-elle masqué d’autres violences ? Malgré ses aspects de nouveauté, #MeToo prolonge-t-il les termes habituels de la dénonciation pour violences sexuelles, en termes de profils sociaux des dénonciatrices et des hommes dénoncés? À partir de ces questionnements, assiste-t-on à une compréhension systémique des violences, ou à de nouvelles formes de spécifications (par ex. sur le harcèlement sexuel au détriment du féminicide) ? #MeToo et son traitement analytique ont-ils contribué à déshistoriciser les luttes des femmes contre les violences ?
3/ Enfin, l’enjeu de la traduction punitive, préventive et de manière générale régulatrice des violences fait l’objet d’un dernier questionnement. Certains médias ont constaté en France le hiatus entre l’accroissement des dénonciations, et en proportion, la décroissance des sanctions pénales prononcées. De même observe-t-on le maintien d’une action publique présentée depuis quelque temps comme consensuelle, sans qu’elle soit sensiblement infléchie par l’effet social de #MeToo. Cela pose en termes généraux la question de l’intégration par l’action publique (dans toutes ses dimensions : législatives, administratives, judiciaires, éducatives, préventives, etc.) du souffle événementiel caractérisé par l’effet #MeToo.

* Le troisième objectif est de contribuer à la réflexion épistémologique sur l’analyse des violences sexistes en France. L’initiative de ce colloque étant du fait d’un « laboratoire junior » - Cité du genre-USPC (laboratoire VisaGe), nous souhaitons analyser la façon dont les violences sexistes sont de plus en plus traitées centralement ou transversalement par les jeunes chercheur.e.s sur le genre. Nous dressons l’hypothèse que #MeToo est à la fois un révélateur et un accélérateur d’un événement épistémologique sur l’appréhension du genre lui-même. Pour aborder cela, nous proposons d’explorer deux questionnements auxquels nous répondrons sous la forme d’organisation de panels ou de tables rondes :
1/ Comment la recherche sur le genre se confronte-t-elle à l’irruption plus ou moins attendue des témoignages sur les violences ? Que fait #MeToo aux méthodes de recherche ?
2/ Les foyers virtuels et matériels de #MeToo ayant été nord-occidentaux, comment penser l’histoire de la lutte contre les violences sexistes, avec ou sans phénomène #MeToo, en dehors de l’origine politique et culturelle de l’affaire Weinstein et de ses conséquences ?

En vous appuyant sur ces différents axes, vous pouvez envoyer des propositions de communications issues de diverses disciplines des sciences humaines et sociales et portant sur des contextes géographies variés.

Merci d’envoyer vos propositions, d’une longueur de 3 000 signes maximum, avant le 1er juin 2019 à l’adresse : labo.visage@gmail.com
Les réponses à ces propositions seront envoyées aux auteur.e.s avant le 15 juillet 2019.
Les journées d’étude se dérouleront à Paris, mi-décembre 2019. La date et le lieu précis de
ces journées seront annoncés ultérieurement.

Catherine Vidal (neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l'Institut Pasteur, membre du comité d'Éthique de l'Inserm) : Neurosciences et biologisation des violences de genre

le 05 Avril 2019

5 avril 2019, salle 2, 13 h-16 h.
EHESS, 105 bd Raspail 75006, Paris

Journée d'étude de lancement

le 04 Décembre 2017